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Dorcha
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30 octobre 2009

Sans titre -- écrit pour Céphise sur la période août/octobre 2009. Thème : Poupées.

Le temps... est quelque chose... de particulier.
On l'oublie si souvent que son retour brutal au seins de votre vie la chamboule immanquablement.
Pour elle dont les grandes jambes fines s'agitent paniquées pour battre le pavé, c'est la fin. Son temps s'arrête. Même si elle coure, même si elle crie, même si elle essais de parvenir aux quais, au poste de garde le plus proche. Son temps s'arrête. Elle ne pourra pas lui échapper. Derrière elle s'attarde un bout de jupon jaune, arraché dans sa fuite, qui disparaît dans la poche de celui qui la suit, qui va très certainement la tuer.
Il avait une lame. Une lame déjà plein de sang.
Ce soir le temps va s'arrêter.

°~

D'aussi loin qu'il se souvenait – et pour lui, dix ans semblaient être une éternité – il y avait toujours eut un marionnettiste dans cette rue, un magicien du bois qui faisait naître sous ses ciseaux des pantins formidables, des être de bille et de fer aux yeux de céramique si expressifs qu'on les croyait vivant, assis là dans leur vitrine, dans leurs costumes de soies chamarrées, à vous observer de loin et à attendre le moment où vous ne les regarderez pas, où vous ne les verrez plus que du coin de l'oeil, pour bouger, ou lever leur main articulée pour pouffer derrière elle un rire moqueur trop longtemps retenu.
Souvent, lorsque le soleil parvenait à percer la masse dense des tuiles noires couvrant les toits tordus de la ville et venait heurter les pavés encore humides de la rosée matinale, le Maître ouvrait boutique et venait s'installer dehors, entouré d'une ou deux de ses créations, une table de jardin dressée entre eux supportant quelques tasses de thé provenant d'un vieux service en porcelaine, quelques gâteaux et une bouilloire fumante servant d'invitation à qui voulait s'assoir.
Car ainsi fonctionnait le Marionnettiste.
Il prenait un morceau de bois rond, l'un de ceux avec lesquels il faisait le tête, polit et poncé avec amour pour en faire une sphère parfaite, et commençait son travail, doucement, sans se presser, faisant naître du bois ce qui allait devenir un visage. Sous ses doigts blancs, l'alchimie opérait doucement au rythme lent et routinier du ciseau contre la matière, transformant cette sphère morte en quelque chose d'autre. Quelque chose d'humain. Quelque chose de vivant...
Et c'était là que la véritable magie commençait.
Le quartier n'était pas très populaire. Trop étroit, trop sordide, aux rues trop mal pavées et trop piétonnes pour permettre le passage des voitures et des calèches, aux caniveau toujours trop pleins d'ordures et aux passants pas réellement recommandables, il n'était guère fréquenté que par ses riverains, quelques amoureux d'architectures qui trouvaient du charme à ces maisons tordues aux pignons noirs, et les amateurs de mauvaises odeurs. Et pourtant... et pourtant le Maître Marionnettiste, horloger du Roi, créateur des plus belles pièces du grand ballet mécanique qui réunissait chaque année des milliers de personnes devant des automates d'une telle finesse qu'on les pensait sortit d'un autre monde et non d'une simple buche de bois, y avait établit sa boutique. Et chaque jour, lorsqu'il s'asseyait à cette table en compagnie de quelques une de ses créations, une femme, un homme ou un enfant, d'une beauté rare ou singulière, souvent paré d'atours onéreux, venait l'y rejoindre, et le miracle s'opérait...
Le visage abstrait qui jusqu'à présent n'exprimait rien d'autre que du vide, se mettait soudain à muter, prenant les traits et l'expression du visiteur, pour son plus grand plaisir, mais aussi pour l'étonnement de sa suite. C'était comme voir la création de son reflet dans un miroir. Et si la foule ne s'attroupait pas autour du lieux de création, tous les yeux de la rue étaient braqués dans sa direction, indiscrets et avides, se gorgeant de cet instant d'éternité, de ce talent qu'ils ne posséderaient jamais et pour lequel ils avaient tant d'admiration...
Et comme tout le monde, lui aussi le faisait.
Depuis des années.
Depuis qu'il en avait le souvenir...
C'est pourquoi il battait le pavé dès l'aube tous les jours depuis quatre ans, petit vendeur de journaux engoncé dans des vêtements minables, couleur de boue le plus souvent, parfois rouilles, verts dans les bons jours, casquette rabattue sur ses cheveux paille trop longs, criant à qui voulait l'entendre les gros titres et les nouvelles, guettant avec impatience l'apparition du Créateur, et avec une pointe de jalousie pleine de tristesse celle du modèle... oh... il avait bien conscience que l'artiste ne le choisirait jamais, il avait beau observer son reflet dans les flaques miroitantes au soleil, il était loin d'être beau; mais il conservait tout de même le secret espoir que cela arrive un jour, comme un miracle, ou un rayon de soleil perçant brièvement les nuages pour tomber sur une rose fleurissant entre les pierres de la rue... bref... un petit rien tellement beau qu'il vous donne envie de continuer de vivre. Malgré la pluie, malgré le vent, malgré la peine...
Et pour lui, à cet instant, malgré le désagréable fortement de sa chemise sur les coups de ceinture qu'il avait reçu la veille pour avoir ramené ses journaux invendus, trempés, et déchirés par l'orage. Comme si c'était d'sa faute ! Avait-on idée, aussi, de vouloir vendre des nouvelles sur papier par jour de pluie ?
Ruminant sa colère, ses pieds mal chaussés frappant régulièrement dans les ordures jonchant les rues de la cité, il avait traversé la ville pour rejoindre son poste journalier, le visage grave et l'air d'en vouloir à une bonne partie de l'humanité, voir à la terre entière, si possible.
« ENCORE UN MEUTRE DU MAD HATER ! Un corps découvert dans une ruelle sur l'East End ce matin ! Cette fois-ci il manque les cheveux et les reins en plus des yeux et le coeur ! Jusqu'où ira sa barbarie ??? Achetez l'Oeil de Mizère ! Le quotidien qui voit tout ! »
Deux pas. Agiter son journal. Racoler le client.
Encore deux pas. S'approcher de la boutique, guetter son apparition. Son écoute.
Après tout, il est payé pour ça non ? Si l'Oeil de Mizère se permet d'employer un vendeur à perte, dans un quartier minable et peu vendeur, c'est bien parce que le Maître y vit, et qu'il ne doit être coupé du monde...
« LE MINISTRE DE MIZERE A ENFIN TIRE AU SORT LES ENFANTS ! Venez voir si votre fils ou votre fille nouveau né n'a pas été sélectionne pour devenir pupille de Sa Majesté ! »
Le rush à la nouvelle, les gens qui s'empressent, qui le pressent, le bousculent, s'arrachent les nouvelles. Peut-être, peut-être que le nom de leur enfant y est, peut-être qu'il pourra les sortir de la misère. De la vrai. Pas que de la ville...
Être pupille d'état. Nourrit, logé, éduqué pour la Reine. Quelle rêve ! Et tous s'acharnent sur ses doigts qui ne délivrent pas assez vite les feuilles porteuses de brins d'espoir.
Accalmie.
Reprendre sa marche.
Et crier.
« LE BALLET MECANIQUE DANS 5 SEMAINES ! Que nous réserve l'Horloger de Sa Majesté cette année ?? Les commentaires et spéculations des initiés ! »
Agiter son bras en prenant garde à ne pas éparpiller les feuilles. Se rapprocher encore de la boutique, aux aguets. Espérer le voir. Croiser son regard. Recevoir l'un de ses rares sourires, et avoir la chance de jeter un oeil à ses nouvelles créations de bois...
« LE BALLET MECANIQUE ! Que nous réserve l'Horloger de sa Majesté cette année ?!...
- Tu aimerai le savoir ? »
Sursaut. Douleur. Une main. Du sang.
Marques qui saignent...
Absorbé par sa tache, il ne l'avait pas entendu ni vu s'approcher. Et il était là, le grand Maître, cintré dans une redingote de couleur sombre, une expression amusée sur son visage livide encadré par la masse en désordre de ses cheveux auburns qui jaillissaient anarchiquement de son haut de forme. Ses mains blanches, nerveuses, manipulaient une montre en argent au couvercle brisé.
Ses lèvres se fendirent d'une ombre de sourire devant l'air ahurit du garçon.
« Eh bien... tu n'as qu'à entrer. »
Et il tourna les talons, bel homme vêtu de noir au milieu des flaques de lumières rejetées par le ciel, saluant gracieusement les gens sur son passage, avant de pénétrer dans sa boutique... et de la verrouiller.

~°~

Des jours...
Des semaines...
Des années...
Oui, cela fait des jours qu'il le regarde. Qu'il le guète. Avec ses cheveux de paille mal coupés, son regard trop bleu, et ses mains d'enfant délicates...
Des jours qu'il se retient, qu'il attend, qu'il se ronge.
Il voudrait garder le meilleur pour la fin, faire durer, ne pas sacrifier... tout de suite.
Non, il ne veut pas. Mais c'est trop tard. Hier, hier leurs regards se sont croisés, hier, il courrait sous la pluie... et il lui a sourit.

°~

Ses yeux de cendre s'étaient posés sur sa personne...
Il l'avait remarqué.
Il l'avait invité... il l'avait invité à voir, à toucher, à se faire sculpter peut-être ? A sentir les doigts passer sur le bois comme s'il s'était agit de sa peau. Cet instant l'avait porté, enivré pendant ces trois derniers jours, et fait guetter le moment où il se reproduirait.
Mais rien... et la pluie tombait depuis sur la ville comme si tous les habitants du ciel s'étaient concertés pour vider en même temps leurs eaux usées sur les rues, les toits... et sa personne. Trempé jusqu'à l'os, tassé contre la porte close dans l'abri illusoire du porche, tremblant dans ses habits trempés, il regardait tomber le rideau épais qui voilait la ville et achevait de diluer l'encre de ses journaux restés éparpillés sur le sol. Une main nerveuse passa dans ses cheveux mouillés, remettant vaguement en place les mèches éparses lui tombant sur le nez, et son regard vert caressa de nouveau la porte de l'atelier du Maître avec une tristesse grandissante.
La pluie l'avait chassé du pavé, la porte restait close, et parfois, il pouvait voir une bougie briller dans l'atelier, signalant une présence. Mais pas une ombre ne se profilait dans l'encadrement de la fenêtre, ou sur le palier. Il l'avait oublié. Il devait se concentrer sur le Ballet Mécanique. Pourquoi se serait-il souvenu d'une proposition faite à un minable petit vendeur de journaux ?
Le moral en berne, le garçon poussa un long soupir désespéré avant de se glisser lentement sous la pluie, rasant les murs pour éviter le plus gros des gouttes, espérant pouvoir rentrer avant qu'on ne se rende compte qu'il était sortit, et ainsi échapper à la correction pour la perte des quotidien. Et puis soudain, la porte de l'autre côté de la rue s'était ouverte.
« Geyl ?... »
Il se figea. Douce, la voix du Maître appela encore.
« Geyl ?... C'est ton nom n'est ce pas ?... »
Lentement, le garçon pivota sur lui-même, restant plaqué contre le mur comme pour y disparaître, ses grand yeux verts inquiets osant à peine effleurer le visage du Marionnettiste.
« C'est bien ce qu'il me semblait... (l'homme leva lentement la tête vers le ciel, admirant la pluie tombant sur la ville) Vient. Ne reste pas dehors, tu risque d'attraper froid. (un sourire étrange se dessina sur son visage) Et puis ne t'ai-je pas proposé de venir voir l'atelier ?
- Si...
- Alors entre... »
Et il avait disparut, ne laissant derrière lui que le rectangle accueillant d'une porte ouverte donnant sur une pièce dans laquelle brûlait un bon feu. Le garçon avait mis un long moment à suivre son exemple, finissant par traverser la rue sous la pluie battante pour venir se glisser à pas de loups dans la boutique du Maître.
La porte en vieux chêne donnait sur une volée de marche qui descendait dans la pénombre d'une salle d'apparence circulaire, remplie à craquée de poupées et de marionnettes à taille humaine dont les regards vides semblaient fixer le nouveau venu, indifférents à leur créateur qui préparait du thé, au centre de la pièce, sur cette même table ronde qu'il sortait par beau temps pour travailler dehors. Intimidé, Geyl resta un long moment sur le pas de la porte, dansant d'un pied sur l'autre, ne sachant que faire, jusqu'à ce que le Marionnettiste lui adresse un sourire accompagné d'un mouvement de main ganté qui l'invitait à venir s'asseoir. Sans quitter des yeux les marionnettes et les automates, le jeune homme descendit prudemment la volée de marches et vint s'asseoir du bout des fesses sur une chaise ouvragée, attrapant le thé brûlant avec gratitude.
« Merci... (son regard fit de nouveau le tour de la pièce) c'est... tout pour le ballet ?... »
A sa grande surprise, le Maître se mit à rire.
« Non, bien sûr que non... »
Il caressa avec tendresse une robe de satin jaune qui paraît une magnifique jeune femme aux cheveux blonds.
« La plupart ne sont que des créations pour le plaisir... ou pour la vente. »
Fasciné par les explications techniques que lui fournissaient à présent le Maître, le garçon buvait son thé à grandes gorgées, savourant son goût acre et la brûlure du liquide sur sa langue. Puis, mis à l'aise par la douceur de sa voix, il avait finit par se lever, osant s'aventurer dans la boutique, furetant entre les marionnettes grandeur nature, ses doigts blancs effleurant les tissus, caressant les peaux de bois, s'égarant dans les mèches artificielles qui cascadaient autour des visages éteints. Ses yeux verts brillaient d'une étrange fièvre qui n'était pas due qu'à l'enthousiasme et à l'admiration, et petit à petit, ses gestes se firent moins fluides, ses mains curieuses ratant plus souvent qu'à leur tour les étoffes qu'elles souhaitaient toucher. Jusqu'à ce qu'il trébuche une première fois...
Deux bras puissants l'entourèrent, le remirent debout, mais ses jambes ne le soutenaient plus. Étourdit, le jeune garçon eut un geste vague, tentant de s'accrocher à la redingote noire qui obstruait son champ de vision, mais une main ferme le repoussa avec douceur, et il sombra lentement dans l'inconscience.
« Pardonne-moi... »

Brouillard...
Le bruit des ciseaux contre le bois.
Très lent. Très lent. Le chant d'un outil au travail.
Et une voix qui fredonne...

Trou noir.

« Je ne voulais pas... »

Une main dans les cheveux.
Douceur. Tendre. Le chant des ciseaux...

Trou noir.

« Mais il le fallait... »

Rabote. Scie. Ajuste. Façonne.
De nouveau, les doigts dans ses mèches blondes.

Trou noir.

« Tu comprend ? »

Caresse.

« Mes mécaniques sont les plus belles de tout le pays... »

Le dos d'une main sur la joue.

« Mais elles ne sont pas éternelles... »

Regret.
Tant de regrets...
De nouveau, le chant des ciseaux.

« Et puis j'ai trouvé le moyen ! »

Excitation intense. Passion.

« Il me fallait un bout de mes modèles. J'ai tout essayé... d'abord les bras, et les jambes. Et puis seulement les os. La peau aussi... et ensuite les poumons, la langue, les lèvres, le coeur, les yeux... »

Un doigt qui passe sur ses paupières.
La sensation d'un sourire...

« Et enfin j'ai trouvé... tu sera l'aboutissement... »

~°~

Ma main dans ses cheveux blonds... sentir l'odeur de sa peau, la goûter de mes lèvres... serrer doucement mes doigts autour de son cou, sentir son souffle palpiter dans sa gorge, l'angoisse, le cœur qui s'affole sous l'effet de la peur, ou de l'excitation. Depuis le temps que je l'observe, la pièce maîtresse de ma collection, je sais quels fantasmes habitent ce corps de jeune garçon, je saurai le faire danser sous mes doigts.
Oh, comme j'aurai voulus que cet instant n'arrive jamais...

°~

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était dans l'ombre. Allongé nu sur le dos, couvert de ce qui semblait n'être qu'un simple drap sombre, il gisait dans cette alcôve aux tentures couleur de nuit qui avaient alimenté ses cauchemars de ces derniers jours. Sur sa gauche, une faible lueur filtrait dans l'atelier, enfant d'une bougie solitaire posée sur l'établit et auprès de laquelle le maître était assit, lui tournait le dos au trois quarts, ses doigts agiles gantés de blanc travaillant sur ce qui lui paraissait être une main.
Il ne lui prêtait aucune attention.
Le garçon bougea, se tournant tout doucement sur le flan, remontant sans bruit ses jambes contre lui pour pouvoir les poser sur le sol sans dévoiler son éveil.
Cloc.
Son genou venait de rencontrer son coude.
Cloc ?...
L'intensité d'un regard gris sur son visage. Le Maître qui le contemple...
Baiser les yeux...
Sur ses mains. Sur ce coude et ce genou qui ont fait « cloc ».
Se retenir de hurler...
La lumière diffuse de la bougie jouait doucement sur les articulations lisses et le satin du bois blanc ayant remplacé coudes, genoux, et peau. Mais aussi mains, bras, fesses, poitrine, cou... visage ?
Ses doigts de bois effleurèrent ses lèvres.
Mollesse.
Cliquetis, cliquetis, mécanique du cerveau. Mais quel cerveau ?
Bruit de pas qui s'approchent.
Crainte.
Mouvement de recul.
Mollesse, encore.
Tout mou, tout mou sous la main de bois. Les yeux gris, les yeux gris ! Tout mou avec au milieu un os.
- Geyl...
Tourner la tête.
Le corps blanc d'un enfant sans visage sous le drap sombre, des muscles qui saillent à l'air libre là où on a retiré a peau pour en faire un masque. Et la boîte vide vide vide, de ce qui fut un crâne.
Une main qui se pose sur l'épaule. La main noire, mécanique de l'établit du Maître. Du Maître.
- Calme-toi...
Voix si douce...
Hurler.

~°~

La salle de spectacles bruissait des innombrables voix et tenues de soirées se pressant les unes contre les autres, les gens se rendaient à leur place, se bousculant, riant, spéculant. Avides. Sous les tentures pourpres damassées d'or du Grand Théâtre, tous se posaient la même question : que leur avait réservé le maître cette année ? Viendrait-il ? Tous savaient que l'Horloger détestait voir ses propres œuvres en action, au grand damne de la Reine qui l'aurait for volontiers accueillit dans sa loge,... voir, comme beaucoup de femmes, dans son lit aussi.
La foule brasse, froisse, s'installe ; le silence se fait, la musique s'élève ; le ballet commence, les acteurs et les automates se croisent, s'entrecroisent, sans qu'on puisse les définir, comme toujours. Le Maître à fait Merveille.
Et puis le tableau final. La pièce maîtresse de l'Horloger. Son bijou d'orfèvre.
On retient son souffle, on attend, le rideau se lève, très lent, sur un monde en ruine. Au fond, sous une arche, un chapelier. Frisson. Le Mad Hatter ? Aurait-il osé ?
Effroi, cris, émoi. Non.
Ces cheveux roux. Une redingote noire...
- Le Maître ?!
Surprise. Inquiétude. Ce n'est pas dans ses habitudes. Le Maître bouge, lentement, se tourne. Visage de bois noir émergeant d'un col blanc.
Un automate...
Silence.
Attention.
A droite, un glissement de la scène, une fleur de bois qui monte, close, et sa clef qui se met à tourner.
Musique aigrelette qui trouble le silence. Une corole de pétales qui s'ouvrent lentement.
Reprise envoutante d'une chanson à scandale...

« Would you be my doll...
Oh, my precius doll... »

Un enfant fleur à la robe jaune. Étonné. Au visage si expression qu'il ne être qu'humain. Fascination.

« I'll give you all my love,
If you become my précius doll
And lot of dresses, and lot of gloves
If you be, my précius doll »

Un glissement sur la scène, l'automate noir qui avance, un pas léger, une esquisse de danse, un masque d'argent sous la lumière intense.
Il tend sa main sombre vers l'enfant lumière.
Et leurs yeux, se rencontrèrent.

« Promise-me, never see other men,
Say good bye to other joy or pain
Let me being your entire world
Closing you in my foolish love »

A genoux il implore l'inconstante, sa voix vibre aux oreilles innocentes. Mais cette dernière ne réagit pas, elle observe la foule, les yeux ébahis, puis se lève et s'enfuit dans un froufroutement de soie. Le tissus danse autour de ses chevilles, ses jambes sont de bois ; elle se cache derrière une colonne, ses mains fragiles aux gants blancs la soutiennent, et ses courts cheveux blonds brillent dans la lumière.

« I don't know what you wainting for
I'm affraid to be your doll my Lord
What happen if I say no ?
O my love, don't let me alon' »

Un sourire fugitif sur le masque de bois, mais est-ce réellement possible ?... L'automate se redresse, esquisse un pas de danse, sa voix grave déclamant ses derniers vers.

« If you say no, I will die
And I'll never see your precius eyes
Ô my bird don't be so crual
And accept the request of a foolish fool. »

Un frémissement dans le bois blanc, le mouvement timide d'un enfant. Des yeux bleus contre des yeux gris, un masque blanc qui tout doucement sourit. Des doigts fins qui retirent leur gant, des roulements à billes gainés d'argent. Les doigts du Maître qui les serrent doucement.

« Promise me to give me all your love,
And I'll say yes to be your precius doll. »

Et dans le tissu,
un accroc bordé de rouge...

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